Itinéraire d'un entrepreneur éclairé
- Sandrine Bronner
- 17 nov. 2017
- 5 min de lecture
Lorsqu'une marque fait son apparition sur le marché de la décoration haut de gamme, elle suscite de l'intérêt. Lorsque cette même marque est intimement liée aux secteurs des nouvelles technologies et des matériaux composites, elle pique davantage encore la curiosité. Mais lorsque derrière ce nom commercial, c'est une véritable épopée entrepreneuriale d'un homme visionnaire et novateur qui se dessine en filigrane, alors cette histoire fait sens. À cœur audacieux, rien d'impossible, telle pourrait être la devise de Stéphane Pariset, « entrepreneur-tiroirs » aux multiples ressources.
Ce n'est ni dans un atelier d'artiste, ni dans une usine que nous avons rendez-vous ce jour-là pour découvrir les secrets de fabrication des objets de décoration Synual, mais dans l'arrière-cour d'un grand hangar installé dans la zone industrielle de Ville-en-Vermois. L'aspect disgracieux du bâtiment métallique est instantanément oublié une fois la porte poussée. Le raffinement des lieux n'est pas sans rappeler les showrooms de quelques manufactures du luxe. Mais ce qui frappe le plus, c'est la cordialité de l'accueil. Un large sourire, une poignée de main franche et enjouée et une voix presque douce qui vous dit le plaisir qu'elle a à vous rencontrer. Stéphane Pariset est un capitaine d'entreprise dont le pavillon arbore les couleurs de l'humilité et de la bienveillance.
Une impression 3D hors norme
Installés avec soin dans le cosy espace d'accueil, des objets décoratifs au design résolument moderne, estampillés Synual sont présentés au visiteur. Luminaires, vases ajourés, tables basses, plateaux et coupelles aux finitions variées, mêlant plusieurs matières, jouxtent d'autres pièces, plus étranges, à l'instar de ce globe entièrement articulé et constitué d'une multitude d'engrenages. L'objet interpelle par la complexité de sa composition. « Il a été réalisé d'un seul bloc à l'aide de notre imprimante 3D » lâche Stéphane dans un grand sourire qui n'est pas sans rappeler celui d'un enfant émerveillé par son jouet. Car voilà précisément l'une des spécificités de la gamme Synual. Chaque objet créé intègre dans sa conception tout ou partie réalisée en 3D. Bien sûr, il pourrait n'y avoir là aucune surprise, tant la pratique est répandue actuellement. Mais une évidence saute aux yeux, y compris du néophyte : tout atteste qu'il s'agit là d'une technologie d'un autre type. D'abord la qualité du matériau, composite à base de fibre de verre qui lui confère une grande solidité. Puis le degré de précision dans la conception puisque l'objet, réalisé à partir d'un fichier CAO est constitué d'une superposition de couches de poudre d'un dixième de millimètre collées entre elles par un laser à partir des indications envoyées par le fichier source. Enfin, ce sont surtout les volumes pris en charge qui interpellent. Le volume d’impression de 550 x 550 x 750 mm permet même de réaliser plusieurs pièces différentes en même temps. « L'impression 3D est réalisée par Créative Industrie, nous explique Stéphane Pariset, une société créée il y a trois ans, et qui est capable de gérer un projet de l’étude au développement et à la fabrication du produit fini grâce à des outils numériques adaptés et une unité de production de haute technologie. »
Une pause s'impose. Quel est le rapport entre une entreprise industrielle spécialisée dans la production rapide de pièces complexes et un éditeur de design qui flirte avec l'artisanat d'art ? Le lien, c'est précisément un homme d'affaire perspicace, qui se distingue par sa vision professionnelle transversale. Parce que l'aventure qui se joue dans ce hangar n'est que la partie visible de l'iceberg. Stéphane Pariset a un parcours entrepreneurial impressionnant. « Depuis tout petit, j'ai toujours rêvé de créer, de fabriquer quelque chose. Arrivé à la cinquantaine, j'ai réalisé mon rêve. C'est mon travail qui me l'a permis. Mes autres boîtes tournent bien. Certains se font plaisir en achetant des belles voitures ou de grosses maisons, moi, j'ai eu envie d'une usine de laquelle sortiraient des objets que j'aurais imaginés. Et mon idée initiale, c'était de créer une nouvelle génération de luminaires pour espaces publics. » Et autant dire que l'éclairage est au cœur de son parcours professionnel.
La lumière à tous les étages
Son CAP d'électricien en poche, et après un bref passage par la carrière militaire, Stéphane Pariset s'installe à son compte en 1988. Rapidement, il travaille pour les collectivités locales et s'intéresse plus particulièrement à l'éclairage public. En 1989, les travaux de fouilles s'intensifient et il embauche son premier salarié. L'entreprise connaît un nouvel essor en 1999 suite aux dégâts provoqués par la tempête. Elle devient un prestataire régulier pour EDF et GDF qui lui demandent d'intervenir sur les réseaux secs. Son aptitude à analyser les besoins et à anticiper les demandes l'amènent en 2011 à créer un bureau d'études interne et à proposer des prestations clé en main, notamment aux les collectivités. La qualité de ses ouvrages et sa capacité à être force de proposition sont le gage de sa réussite. La croissance se poursuit et les embauchent se multiplient. L'éclairage public n'a plus de secret pour Stéphane Pariset. Il cerne parfaitement les contraintes et la charge financière liées à l'entretien pour les collectivités qui sont systématiquement propriétaires de leur parc. En 2012, dans une dynamique transversale, il crée Rent Light, une société de location d'éclairages publics et soustraite les travaux à son entreprise de travaux publics. Pour maîtriser tous les maillons de la chaîne (et accessoirement assouvir son rêve d'enfant), il décide de créer une nouvelle entreprise qui aura vocation à fabriquer des luminaires innovants.
Comme à son habitude, Stéphane se met en recherche des ressources humaines qui vont l'aider à donner corps à son projet. « J'ai les idées mais pas forcément le savoir-faire pour les mettre en œuvre. Je m'entoure donc de personnes plus douées que moi ». Belle leçon d'humilité de la part de ce patron qui donne les moyens à ses collaborateurs de faire parler leurs talents. La matière grise est en route. Il faut maintenant penser à s'équiper en machine-outil. C'est presque par hasard qu'il découvre le procédé d'impression 3D par frittage. Il faut dire qu'il n'existe qu'un seul autre exemplaire en France. L'investissement conséquent a de quoi faire réfléchir. Stéphane Pariset sait qu'il lui permettra de réaliser son rêve. En 2014, Créative industrie est née.
Du frittage à l'objet fini
Un prototype de luminaire connecté voit le jour. L'objet a vocation à être à la fois esthétique et utile à toute heure. À sa fonction de base, Stéphane Pariset apporte une dimension de vidéo surveillance et/ou de sonorisation. Des objets qui peuvent s'avérer intéressants à la fois pour les collectivités et pour les espaces privés tels que les hôtels et restaurants. Reste à développer le soft de gestion à distance, ce qui ne saurait tarder.
Créative Industrie met également son savoir-faire en matière de design, conception et fabrication au service des autres professionnels. Les collaborations avec les manufactures du luxe, à l'instar de Daum, se multiplient et Créative Industrie intègre le PLAB. Malgré une renommée rapidement acquise, Stéphane Pariset le chef d'orchestre ressent comme une frustration dans cette activité de sous-traitance, habitué qu'il est à l'interconnexion de ses différentes sociétés et surtout à l'indépendance. Ses luminaires connectés en cours de développement, il décide de lancer sa propre gamme d'objets de décoration. Plus question de confier la finition à des intervenants extérieurs. Il agrandit l'équipe, recrute un ébéniste aux mains d'or, tout autant à l'aise avec le bois qu'avec les peintures et autres laquages. Aujourd'hui, Stéphane Pariset est un dirigeant heureux. Soucieux, bien entendu car le défi qu'il s'est lancé est d'envergure, tant l'édition d'objets décoratifs haut de gamme est concurrentiel, mais heureux. « Le plus dur reste à venir. Je dois trouver les ressources humaines pour développer ma force commerciale. Cette activité d'édition est celle qui me donne le plus de soucis et pourtant, c'est dans celle-ci que je m'épanouis pleinement. » Gageons que l'entrepreneur multi-potentiels saura s'appuyer sur son expertise des marchés et sa clairvoyance pour emmener Synual vers les sommets.
EnregistrerEnregistrer
Comments